Pulvériser l'héritage catholique en trois étapes: c'est la recette que donne Mgr Percerou dans son dossier « Au plus près de tous », un dossier qui « fonde » la réflexion actuelle de l'évêque sur l'avenir du diocèse, plus précisément avec l’article principal de dix pages du jésuite André Fossion datant de... 2004.
1. Repeindre le passé en noir
Voici le vocabulaire utilisé pour dépeindre 2000 ans de tradition catholique : « la tutelle cléricale » dont notre monde est « libéré » ; « des représentations religieuses stériles ou aliénantes qui furent jadis » ; « obéissance répétitive et servile à un ordre sacré » ; « représentations de la foi qui lui font obstacle ». Ces représentations étaient, prenez votre souffle : « simplistes », « désuètes », « infantilisantes » et même « « perverses ». Aucun qualificatif positif n’est utilisé. Ce n’est pas un extrait d’une gazette anticléricale, mais bien le document sur lequel Mgr Percerou entend « fonder » sa réflexion. Qu’un évêque soit imprégné d’une telle rhétorique ne laisse pas d’étonner. Vraiment, la tradition n’a-t-elle rien de bon ?!
2. « Désapprendre » la foi héritée
Dans ces conditions, l’effondrement contemporain du catholicisme en France est alors une bonne nouvelle et le dossier épiscopal souligne « la fin d’un certain christianisme » avec un certain « contentement ».
Mais cela ne suffit pas. Car 2000 ans de catholicisme laissent forcément des représentations dans les esprits encore aujourd’hui : il faut les éradiquer car elles seraient... un obstacle à la foi ! Le dossier épiscopal affirme ainsi : « Favoriser aujourd’hui les commencements de la foi, c’est dès lors défaire un certain nombre de nœuds de représentations – souvent très tenaces. » Là encore, aucune mention positive du passé. Même dans notre monde déchristianisé, ce que les prédécesseurs de Mgr Percerou ont transmis pendant tant de siècles à leurs ouailles laisse encore des traces qu’il s’agit d’extirper. Le dossier épiscopal est on ne peut plus clair : l’objectif est de créer « la possibilité de croire de nouvelle façon. » Pour cela, « l’évangélisation aujourd’hui passe par un nécessaire désapprentissage », sic.
Comme on l’a vu avec le billet sur la vidéo du diocèse exhibant fièrement la faiblesse sidérante des réponses de jeunes aux grandes questions de la foi, ce désapprentissage est bien engagé par Mgr Percerou.
3. Utiliser le passé en « open source »
Cela ne suffit encore pas. Car nolens volens, le passé reste présent. Alors le dossier épiscopal préconise d’entretenir « la mémoire de la tradition chrétienne » mais « revisitée, réinterprétée ». Car : « entretenir la mémoire chrétienne, cela n’a pas de sens si ce n’est pour promouvoir la liberté et la créativité », sic. On aurait pu penser que pour un évêque, la tradition chrétienne n’a de sens que pour découvrir le contenu de la foi, mais non. Il s’agit de choisir dans cet héritage en « open source », poursuit le dossier épiscopal, « ce qui est éprouvé comme inspirant et humanisant », sic. Que deviendra le chrétien avec cet héritage atomisé ? Le dossier répond : « Etre chrétien apparaîtra alors (...) comme l’entrée libre, critique, inventive et responsable dans un art de vivre qui s’inspire de l’Évangile. » Autrement dit : chacun fait ce qui lui plait, sans aucune référence au magistère de l’Eglise catholique.
Résumons : pour Mgr Percerou, selon les termes de son dossier, il n’existe que deux voies. Soit le « triste scenario » (sic) d’une « restauration identitaire » soit « prendre acte de ce qui meurt : la chrétienté en Occident » – ici, aucune marque de tristesse – et désapprendre les représentations héritées de la foi. « La tâche d’évangélisation, dès lors, consiste à compter sur les dynamismes culturels en cours et à se mettre au service des ‘commencements de la foi’ qui sont déjà là, qui émergent dans le contexte culturel présent. » Déjà là ?! Où ? On ne le sait pas encore. Car, ne riez pas, tout arrive tout seul et tout repose sur le principe « d’ouverture à la surprise ». Si le désapprentissage a bien été effectué, alors viendra « le temps de la germination »...
Rappelons que ce texte choisi par Mgr Percerou date de 2004. Ce texte était alors déjà has been, reflétant les années 1960-1970 et certainement pas le pontificat de saint Jean-Paul II. On se dit que l’évêque de Moulins, né en 1961, gagnerait à regarder en face le « contexte culturel présent » plutôt que de cultiver la nostalgie de son adolescence. Le 12 juin 2019, le gouvernement annonçait sa volonté d’autoriser la PMA pour toutes les femmes, c’est-à-dire la conception d’enfants sans père.
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Commentaires
En effet, c'est… comment dire ? Un manque de foi ?
En tout cas, votre évêque est bien content de faire appel à des prêtres africains qui ont été évangélisés - les pauvres ! par des prêtres du XIXème siècle et de la première moitié du XXème siècle, des prêtres… comment dit-il votre évêque ?
Je soupçonne là-dedans une grande fatigue et un peu de désespoir.
J'aime particulièrement la phrase : « La tâche d’évangélisation, dès lors, consiste à compter sur les dynamismes culturels en cours et à se mettre au service des ‘commencements de la foi’ qui sont déjà là, qui émergent dans le contexte culturel présent. »
Je gravite en ce moment dans un milieu professionnel et universitaire et je retrouve la même phraséologie. Je peux la comprendre et l'admettre dans un contexte professionnel. Mais je ne vois pas le sens de ces phrases creuses, tout juste utiles pour les discours de clôture des séminaires de recherche interdisciplinaire, dans un contexte ecclésial. Et puis, ce sont des phrases réversibles à merci… Je vous propose :
" La tâche de la territorialisation, dès lors, consiste à compter sur les dynamismes sociaux en cours et à se mettre au service des commencements d'initiatives, qui sont déjà là, qui émergent dans le contexte territorial présent. »
- en fait, ça veut rien dire, des commencements sont forcément déjà là, sinon ce ne sont pas des commencements, mais des hypothèses -
allez je reprends ma logorrhée savante, et comme me disait un prof avec des diplômes universitaires longs comme les deux bras : "plus tant qu'on y comprend rien, plus tant que c'est mieux" ,
Ou encore : " La tâche d'innovation, dès lors, consiste à compter sur les dynamismes professionnels en cours et à se mettre au service des nouvelles entreprises, qui sont déjà là, qui émergent dans le contexte économique présent. »
Ou encore : " La tâche d'éducation, dès lors, consiste à compter sur les dynamismes scolaires en cours et à se mettre au service des établissements, qui sont déjà là, qui émergent dans le contexte éducatif présent. »
Votre évêque doit vivre en réunion paroissiale avec toujours les mêmes têtes chenues de grand moment de solitude logorythmique ?
Bonjour, merci beaucoup pour votre message. Votre diagnostic de l'état de l'évêque : "Désespoir et fatigue" semble effectivement correspondre au texte qu'il donne à étudier. Lui-même dit qu'il "en a marre" (voir billet de ce blog à ce sujet).
Sur la langue de bois utilisée, vos ré-emplois dans d'autres domaines en sont une belle démonstration ! Bonne journée
J’ai consulté le dossier du diocèse grâce à votre lien. [Le lecteur exprime par courrier électronique privé qu'il pense que le billet du blog ne reflète pas le sens de ce dossier épiscopal].
Bonjour, merci beaucoup pour votre message. Il est dommage que vous ne donniez pas un seul exemple de ce que vous affirmez. Néanmoins pour vous essayer de vous répondre :
1. Les dix pages de l'article d'André Fossion sj constituent le premier article de la première partie du dossier que Mgr Percerou donne à lire en écrivant : "Cette première partie a pour objet de fonder théologiquement, scripturairement et spirituellement notre réflexion diocésaine." J'en conclus que pour Mgr Percerou, l'article d'André Fossion sj "fonde" sa réflexion et qu'il souhaite qu'il en soit de même pour ses diocésains. Ce n'est pas un vague document d'étude qui ne refléterait pas la pensée de l'évêque.
2. Citations tronquées ? Lesquelles ? En tout cas rien qui ne trahisse le sens du texte car on pourrait faire beaucoup d'autres citations de ce texte allant dans le même sens. J'ai d'ailleurs écrit deux autres billets de ce blog sur ce même article, que vous pouvez consulter à partir de la rubrique "Au plus près de tous" en haut à droite de la page d'accueil de ce blog.
3. En particulier, je vous recommande le billet "Le modèle post-chrétien de Mgr Percerou", puisque les deux auteurs phares de l'article d'André Fossion sont deux philosophes agnostiques, Vattimo et Gauchet !
Si Mgr Percerou ne partageait pas les options fondamentales de l'article d'André Fossion que j'ai tenté de présenter, il n'aurait tout simplement pas choisi ce texte, d'autant que ce texte est franchement daté : 2004 pour sa rédaction, et les années 1960-1970 pour le courant d'idées qu'il représente.
Pour conclure, il me semble que les idées défendues par Mgr Percerou via l'article de Fossion sont incroyablement étrangères au catholicisme tel qu'il se définit lui-même (catéchisme etc.) : ce qui peut-être a alimenté votre sentiment que cela ne pouvait pas être vrai. Hélas...
Bonne soirée
Je viens de lire les autres articles en rapport avec ce document que votre évêque donne à lire à ses paroissiens. Je rectifie une phrase de mon précédent commentaire. Ce n'est pas " une grande fatigue et un peu de désespoir", mais " un peu de fatigue et un grand désespoir." Ou si vous préférez le langage de Saint Ignace Loyola : une forme de désolation spirituelle. Et il faut opposer à cette désolation spirituelle la Parole de Dieu, c'est-à-dire le catéchisme de l'Eglise catholique. Et vous verrez ces désespérés vous fuir à toutes jambes, comme une prière d'exorcisme chasse le diable...
Beau commentaire, merci ! J'aimerais comprendre comment on en est arrivé là. Il semble que Laurent Percerou avait les mêmes conceptions lorsqu'il était vicaire général à Chartres, Peut-être conception lui a-t-elle été inculquée au séminaire des Carmes ? Je suis preneur d'informations. Bonne journée,